La Seconde Guerre mondiale a marqué l’histoire de l’humanité par ses atrocités, notamment la Shoah. Au cœur de cette période sombre, l’histoire d’Oskar Schindler se démarque comme un acte de courage et d’humanité. Le film « La Liste de Schindler » de Steven Spielberg, sorti en 1993, a ravivé l’intérêt du public pour cet épisode historique. Plongeons dans les faits réels qui ont inspiré cette œuvre cinématographique, en examinant le contexte historique, les actions d’Oskar Schindler et l’impact durable de son héritage.
Le contexte historique de l’Allemagne nazie
La montée du nazisme en Allemagne s’est accélérée dans les années 1930, favorisée par la crise économique et le sentiment de frustration né du Traité de Versailles. Le Parti national-socialiste d’Adolf Hitler, initialement marginal, a gagné en popularité, passant de 2,6% des voix en 1928 à 37% en 1932. Hitler est nommé chancelier le 30 janvier 1933, marquant le début d’une ère sombre pour l’Europe.
La politique antisémite s’est rapidement mise en place. Dès mars 1933, des attaques organisées contre les Juifs éclatent dans toute l’Allemagne. Le camp de concentration de Dachau ouvre ses portes, préfigurant le réseau de camps qui se développera par la suite. En quelques mois, l’Allemagne devient un État policier à parti unique. Le 1er avril 1933, un boycott général est décrété contre les entreprises juives, première étape d’une série de mesures discriminatoires.
Oskar Schindler : de l’opportuniste à l’humaniste
Oskar Schindler, né en 1908 à Svitavy en Moravie, était un industriel allemand et membre du parti nazi. Initialement attiré par le profit, il s’installe à Cracovie après l’invasion de la Pologne en 1939. Profitant du programme d’« aryanisation » des entreprises, il acquiert une usine d’ustensiles en émail qu’il nomme Emalia.
Au début, Schindler emploie des travailleurs juifs du ghetto de Cracovie pour des raisons purement économiques. Cependant, témoin des atrocités nazies, il commence à utiliser sa position et ses relations pour protéger ses employés juifs. Sa transformation d’opportuniste en sauveur est progressive, motivée par une prise de conscience de l’horreur de l’Holocauste et un sens croissant de la responsabilité morale.
L’usine d’émaillage : un refuge au cœur de l’horreur
L’usine Emalia de Schindler est devenue un véritable refuge pour les travailleurs juifs. À son apogée en 1944, elle employait environ 1 700 personnes, dont un millier de travailleurs juifs. Schindler a utilisé diverses stratégies pour protéger ses employés : il a déclaré son usine comme essentielle à l’effort de guerre allemand, ajoutant même une division de fabrication d’armes pour renforcer cette affirmation.
Pour maintenir ses travailleurs en sécurité, Schindler a eu recours à la corruption et à son influence personnelle. Il a permis à ses employés de rester dans l’usine lors de la liquidation du ghetto de Cracovie en mars 1943, les sauvant ainsi de la déportation. Il a également créé un sous-camp à Emalia, où les travailleurs juifs étaient mieux traités que dans les autres camps, recevant une nourriture adéquate et étant autorisés à pratiquer leur religion.
La vérité sur la fameuse liste
La « liste de Schindler » n’était pas un document unique, mais plutôt une série de listes créées au fil du temps. Ces listes répertoriaient les travailleurs juifs que Schindler déclarait essentiels pour son usine, les protégeant ainsi de la déportation vers les camps d’extermination.
L’élaboration de ces listes était un processus complexe, impliquant des négociations avec les autorités nazies et des pots-de-vin considérables. La liste finale, créée en 1944 lorsque Schindler a délocalisé son usine à Brünnlitz, comprenait environ 1 200 noms. Elle a été rédigée par Mietek Pemper, le secrétaire juif du commandant du camp de Plaszów, avec l’aide d’Itzhak Stern, le comptable de Schindler.
Le camp de Brünnlitz : l’ultime refuge
En octobre 1944, face à l’avancée soviétique, Schindler obtient l’autorisation de déplacer son usine et ses travailleurs à Brünnlitz, dans sa région natale des Sudètes. Ce transfert n’a pas été sans difficultés. Les hommes et les femmes ont été séparés, les premiers envoyés au camp de Gross-Rosen et les secondes à Auschwitz.
Schindler a utilisé sa fortune personnelle pour soudoyer les responsables des camps et faire libérer ses travailleurs. À Brünnlitz, il a continué à protéger ses employés, allant jusqu’à saboter la production de munitions de son usine pour ne pas contribuer à l’effort de guerre nazi. Il a maintenu les SS à distance, fournissant à ses travailleurs une nourriture adéquate et des conditions de vie relativement décentes jusqu’à la fin de la guerre.
L’héritage d’Oskar Schindler
Les actions d’Oskar Schindler ont eu un impact durable. Les « Schindlerjuden » (Juifs de Schindler) et leurs descendants, estimés aujourd’hui à plus de 7 000 personnes, sont un témoignage vivant de son héritage. Après la guerre, Schindler a maintenu des contacts avec de nombreux Juifs qu’il avait sauvés, bien qu’il ait connu des difficultés financières personnelles.
En 1962, Yad Vashem a honoré Schindler du titre de « Juste parmi les nations », reconnaissant son rôle dans le sauvetage de vies juives pendant l’Holocauste. Son histoire a été préservée et transmise grâce au roman de Thomas Keneally, « La Liste de Schindler », publié en 1982, et au film de Steven Spielberg en 1993. Ces œuvres ont contribué à faire connaître son histoire au grand public, perpétuant ainsi la mémoire de ses actes héroïques.
Entre réalité historique et adaptation cinématographique
Le film de Spielberg, bien que globalement fidèle aux faits historiques, prend certaines libertés artistiques. Par exemple, dans le film, Schindler commence immédiatement à employer des Juifs, alors qu’en réalité, il a d’abord embauché des travailleurs polonais avant de se tourner vers la main-d’œuvre juive pour des raisons économiques.
Le film dramatise certains événements pour des raisons narratives, mais conserve l’essence de l’histoire de Schindler. Il capture avec justesse la transformation graduelle de Schindler d’un opportuniste à un sauveur, ainsi que les horreurs de l’Holocauste et les conditions de vie dans les ghettos et les camps.
En conclusion, l’histoire d’Oskar Schindler reste un témoignage puissant de l’impact qu’un individu peut avoir face à l’injustice et à la barbarie. Elle nous rappelle l’importance de la compassion et du courage moral en temps de crise. Dans un monde où l’intolérance et la discrimination persistent, l’histoire de Schindler continue de résonner, nous invitant à réfléchir sur notre propre responsabilité envers l’humanité. La préservation de ces témoignages historiques est cruciale pour éduquer les générations futures et prévenir la répétition de telles atrocités.