Loi de Brandolini : comprendre le principe d’asymétrie du baratin

mensonge brandolini

Avez-vous déjà passé des heures à réfuter une affirmation absurde qu’un proche a partagée en quelques secondes sur les réseaux sociaux ? Cette situation, frustrante et épuisante, illustre parfaitement ce qu’on appelle la loi de Brandolini. Ce phénomène touche notre quotidien, des conversations familiales aux débats publics, en passant par nos fils d’actualité saturés d’informations douteuses. Comprendre ce mécanisme vous permettra de mieux naviguer dans l’océan informationnel contemporain et d’économiser votre énergie face au flot constant de baratins.

En bref

La loi de Brandolini, ou principe d’asymétrie du baratin, stipule qu’il faut bien plus d’énergie pour réfuter une fausse information que pour la créer. Formulée par Alberto Brandolini, programmeur italien, en 2013, cette observation empirique s’est révélée particulièrement pertinente à l’ère numérique. Alors qu’une affirmation mensongère peut être produite en quelques secondes, sa réfutation nécessite souvent des heures de recherche documentaire et d’argumentation. Ce déséquilibre fondamental explique en partie pourquoi la désinformation prospère malgré les efforts de vérification des faits.

Origine et définition du principe d’asymétrie

Le principe d’asymétrie du baratin a été formulé par Alberto Brandolini, un programmeur italien, sur Twitter en 2013. Sa formulation originale en anglais était : « The bullshit asymmetry: the amount of energy needed to refute bullshit is an order of magnitude bigger than to produce it ». En français, cela se traduit par : « La quantité d’énergie nécessaire pour réfuter du baratin est d’un ordre de grandeur supérieur à celle nécessaire pour le produire ».

Il convient de préciser que cette « loi » n’est pas une loi scientifique au sens strict, mais plutôt un aphorisme, un proverbe issu de l’observation de phénomènes récurrents dans nos sociétés de l’information. D’autres personnes avaient formulé des constats similaires avant Brandolini, mais c’est sa formulation concise qui a popularisé ce concept. Cette observation est devenue un outil précieux pour comprendre les dynamiques de la désinformation dans notre monde hyperconnecté.

Voir :  De symbole ancien à emblème nazi : l'évolution historique de la croix gammée

Les manifestations concrètes de cette asymétrie

L’asymétrie du baratin se manifeste quotidiennement sous différentes formes. Prenons un exemple concret : quelqu’un affirme en quelques mots que « les OGM sont la première cause de cancer chez l’humain ». Cette déclaration, qui prend trois secondes à énoncer, nécessiterait des heures, voire des jours de recherche documentaire, de rédaction et de diffusion pour être correctement réfutée avec sources scientifiques à l’appui.

Les chercheurs ont identifié trois types principaux d’asymétrie dans ce phénomène :

  • L’asymétrie d’impact : les informations extraordinaires, spectaculaires ou contraires au consensus établi captent davantage l’attention et génèrent plus d’engagement que les démentis, souvent techniques et nuancés.
  • L’asymétrie de rétention mnésique : nous mémorisons plus facilement les affirmations choquantes ou émotionnellement marquantes que leurs réfutations ultérieures.
  • L’asymétrie de l’onction : celui qui propage du baratin est souvent perçu comme audacieux ou révélateur de vérités cachées, tandis que celui qui tente de rétablir les faits passe pour un rabat-joie ou un défenseur du statu quo.

Pourquoi les faussetés se propagent-elles si facilement ?

La propagation rapide des faussetés s’explique par plusieurs mécanismes psychologiques et sociaux. Le scoopisme, cette propension à détecter, apprécier et propager des informations nouvelles, inattendues et spectaculaires, joue un rôle majeur. L’internaute qui partage une information extraordinaire espère qu’une partie de l’attention qu’elle suscitera lui reviendra, renforçant ainsi sa position sociale dans son réseau.

Nos biais cognitifs favorisent cette dynamique. Le biais de confirmation nous pousse à accorder plus d’importance aux informations qui confortent nos croyances préexistantes. Le biais de disponibilité nous fait privilégier les informations facilement accessibles, souvent les plus sensationnalistes. Ces mécanismes créent un terreau fertile pour la désinformation, d’autant plus que l’ambiguïté de certaines informations les rend propices à diverses interprétations selon nos perspectives personnelles.

Voir :  Les langues régionales en France : état des lieux et initiatives de sauvegarde

Tableau comparatif : Production vs Réfutation de désinformation

Pour mieux comprendre l’ampleur de cette asymétrie, voici un tableau comparatif entre la production et la réfutation de désinformation :

AspectProduction de désinformationRéfutation
Temps nécessaireQuelques secondes à minutesPlusieurs heures à jours
Compétences requisesMinimalesExpertise, recherche documentaire
Impact émotionnelFort, immédiatModéré, différé
MémorisationDurableSouvent oubliée
Perception socialeExcitante, stimulanteMoralisatrice, ennuyeuse

Stratégies efficaces pour contrer le baratin

Face à ce constat qui pourrait sembler décourageant, des recherches scientifiques montrent que lutter contre la désinformation reste efficace. L’étude de Schmid et Betsch (2019) révèle deux stratégies particulièrement performantes : présenter des faits contredisant directement une croyance erronée et exposer les procédés rhétoriques trompeurs utilisés pour la soutenir.

Pour optimiser vos efforts face à la désinformation, concentrez-vous sur les affirmations les plus nocives plutôt que de tenter de réfuter chaque inexactitude. Utilisez des explications claires, concises et accessibles. Accompagnez vos réfutations de visuels attractifs qui facilitent la compréhension et la mémorisation. Évitez l’inversion de la charge de la preuve : rappelez que c’est à celui qui affirme de prouver ses dires, non l’inverse. Ces tactiques vous permettront d’économiser votre énergie tout en maximisant l’impact de vos interventions.

Applications pratiques dans différents domaines

Le principe d’asymétrie du baratin affecte différents domaines professionnels, chacun devant développer des approches spécifiques. Dans le journalisme, la vérification des faits (fact-checking) est devenue une spécialité à part entière, nécessitant des ressources dédiées pour contrer efficacement la désinformation. Les médias doivent investir dans cette fonction essentielle malgré son coût élevé par rapport à la production d’information.

Dans le domaine scientifique, les chercheurs font face à un dilemme : consacrer du temps à réfuter des affirmations pseudoscientifiques signifie moins de temps pour la recherche fondamentale. Pourtant, comme le souligne Phil Williamson dans la revue Nature, ce travail de démystification reste crucial pour préserver l’intégrité du discours scientifique. En politique, cette asymétrie favorise les discours populistes simplificateurs au détriment des analyses complexes et nuancées, créant un défi majeur pour la qualité du débat démocratique.

Voir :  Souquez les artimuses : Origine et signification de l'expression

L’importance de cette loi à l’ère numérique

L’ère numérique a considérablement amplifié l’impact de la loi de Brandolini. Les réseaux sociaux, avec leurs algorithmes favorisant le contenu émotionnel et controversé, constituent un accélérateur puissant de la désinformation. La viralité, cette capacité d’une information à se propager rapidement à travers les réseaux, bénéficie davantage aux contenus sensationnalistes qu’aux réfutations mesurées.

La démocratisation de la production de contenu, si elle présente des avantages indéniables en termes de liberté d’expression, a aussi supprimé les filtres traditionnels qui existaient dans les médias classiques. N’importe qui peut désormais diffuser une information sans vérification préalable, touchant potentiellement des millions de personnes en quelques heures. Cette nouvelle réalité pose des défis considérables pour nos sociétés démocratiques, où la qualité de l’information conditionne la qualité des décisions collectives.

Réflexions finales

Comprendre le principe d’asymétrie du baratin constitue une première étape essentielle pour naviguer dans notre environnement informationnel complexe. Cette connaissance nous invite à développer un scepticisme sain face aux affirmations extraordinaires et à reconnaître la valeur du travail de vérification, malgré son coût énergétique élevé.

L’éducation aux médias et à l’information devient une compétence fondamentale pour tous les citoyens. Apprendre à identifier les sources fiables, comprendre les mécanismes de la désinformation et développer son esprit critique sont des outils indispensables. La responsabilité est partagée : les plateformes numériques doivent améliorer leurs algorithmes pour ne pas favoriser systématiquement le contenu sensationnaliste, les médias traditionnels doivent investir dans la vérification des faits, et chacun d’entre nous doit réfléchir avant de partager une information non vérifiée.

La loi de Brandolini nous rappelle que la vérité demande des efforts, mais ces efforts sont le prix à payer pour une société informée et résiliente face aux manipulations. En prenant conscience de cette asymétrie, vous devenez acteur d’un écosystème informationnel plus sain.

Partagez votre amour
Facebook
Twitter

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *